Dans un arrêt rendu le 29 juin 2023, la Cour d’appel de NÎMES rappelle que nonobstant l’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile par le Conseil d’Etat, le recours à une tentative préalable de résolution amiable du litige demeure obligatoire dans certaines matières.
Le 13 janvier 2023, le monde judiciaire fût convié par le Garde des Sceaux à un symposium organisé autour de la politique de l’amiable.
Depuis quelques années, une révolution semble en effet avoir fait irruption dans le droit positif français.
Remisée au placard la prérogative essentielle du juge qui consistait pourtant à trancher les litiges qui lui étaient soumis !
Place à la déjudiciarisation, à la canalisation des passions, à l’écoute forcément bienveillante, à l’empathie, à la conciliation, à la médiation ou bien encore aux procédures participatives.
De là à penser que sur certaines robes noires fleurissent des blouses blanches, il n’y aurait qu’un pas…
Nous pourrions aussi relever que le manque de moyens (quoi de plus normal pour un pays dont la dette publique s’élevait à 2 732,2 Md€ au premier trimestre 2023, s’établissant ainsi à 102,0 % du PIB ?) n’est pas étranger à ce phénomène nouveau qui fait désormais la part belle à l’amiable dans l’ordonnancement juridique français.
Mais cessons toute polémique et penchons-nous sur un arrêt récent rendu le 29 juin 2023 par la Cour d’appel de NÎMES.
Cette juridiction est venue apporter une réponse claire – et selon nous fort logique – à la question que se posaient nombre de juristes consécutivement à l’arrêt retentissant et largement commenté rendu par le Conseil d’Etat le 22 septembre 2022 ; lequel, rappelons-le, est venu annuler les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret N°2019-1333 du 11 décembre 2019.
La Cour d’appel de NÎMES fût saisie d’un appel dirigé à l’encontre d’une ordonnance rendue par le premier juge qui, ayant considéré que l’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile ne permettait plus, dans l’ensemble des instances en cours, soit devant les juridictions de premier ressort, soit devant les cours d’appel, de prononcer ou confirmer l’irrecevabilité d’une demande présentée sur le fondement de cette disposition, avait rejeté la fin de non-recevoir soulevée par notre Cabinet au nom et dans les intérêts dans nos clients.
La Cour d’appel de NÎMES, rappelle que « les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile issues du décret n°2022-245 du 25 février 2022 ont été annulées par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 22 septembre 2022 au motif que l’insuffisance de précision quant aux modalités et délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être considérée comme établie, en ce qu’elle a trait à une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel, porte atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction garanti par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens.
La Cour précise que « comme le soulignent à bon droit les sociétés appelantes, l’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile n’a pas eu pour effet d’entraîner l’annulation de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016, tel que modifié par la loi du 23 mars 2019 et la loi du 22 décembre 2021, de sorte que l’obligation de recourir à une tentative préalable de résolution amiable du litige avant d’introduire une demande en justice énoncée par cet article demeure effective, s’agissant dans le cas présent d’une action fondée sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage. »
Nous savons qu’à la suite de l’annulation par le Conseil d’Etat des dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile, le Premier Ministre, sur rapport du Garde des Sceaux, a rétabli l’article 750-1 du Code de procédure civile aux termes du décret n°2023-357 du 11 mai 2023.
L’article 4 de ce nouveau décret est en outre venu préciser que cette nouvelle obligation de recourir à une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, s’appliquera uniquement aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
La Cour d’Appel de NÎMES vient ainsi mettre un terme au flou juridique qui suscitait nombre de débats entre juristes sur le caractère persistant ou non de l’obligation de recourir à une procédure amiable avant toute saisine au fond et ce nonobstant l’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 22 septembre 2022.
Dans un souci de strict sécurité juridique, il convenait selon nous, avant l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de NÎMES, de perpétrer avant toute saisine d’une juridiction au fond, l’obligation de mettre en œuvre une tentative préalable de résolution du litige.
Désormais et dans l’attente d’un éventuel arrêt de la Cour de cassation, le doute se trouve donc dissipé puisque c’est sur la foi de la loi – dont on rappelle si besoin était que celle-ci a une valeur juridique supérieure au décret – que « la saisine du tribunal judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation, (..) ou d’une tentative de procédure participative » lorsque la demande tend au paiement d’une somme d’argent n’excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage ou un trouble anormal de voisinage.
Autrement dit, toutes les instances (y compris celles introduites après le 22 septembre 2022 et le 1er octobre 2023) doivent faire l’objet d’une tentative de résolution amiable préalable à toute saisine de la juridiction.
Je demeure disponible pour vous communiquer sur demande une copie de l’arrêt rendu