Aux termes d’une ordonnance rendue le 25 mai 2023, le Premier Président près la Cour d’Appel de NÎMES est venu rappelé que le juge était garant du respect des termes d’une convention d’honoraires signée entre un avocat et son client.
RAPPEL DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE
Depuis la loi n°2015-990 du 6 août 2015 dite « loi Macron », nous savons que l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 relatif à la matière de la fixation des honoraires de l’avocat est venu rendre obligatoire la signature d’une convention d’honoraires.
Le texte de l’article 10 de la loi de 71 ainsi modifié dispose :
« Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l’avocat sont fixés sur la base d’un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. »
En outre, l’article 10 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 se trouve désormais rédigé en ces termes :
« L’avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles et de l’ensemble des frais, débours et émoluments qu’il pourrait exposer. L’ensemble de ces informations figurent dans la convention d’honoraires conclue par l’avocat et son client en application de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée.
Au cours de sa mission, l’avocat informe régulièrement son client de l’évolution du montant de ces honoraires, frais, débours et émoluments.
Des honoraires forfaitaires peuvent être convenus. L’avocat peut recevoir d’un client des honoraires de manière périodique, y compris sous forme forfaitaire.
Lorsque la mission de l’avocat est interrompue avant son terme, il a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.
La rémunération d’apports d’affaires est interdite. »
Il appartient en outre à l’avocat, en accord avec son client, de fixer le montant des honoraires qui tiennent compte, aux termes de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et de l’article 11-2 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat :
- du temps consacré à l’affaire ;
- du travail de recherche à effectuer ;
- de l’importance des intérêts en cause ;
- de l’incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient ;
- de sa notoriété, de ses titres, de son ancienneté, de son expérience et de la spécialisation dont il est titulaire ;
- des avantages et du résultat obtenus au profit du client par son travail ;
- du service rendu à celui-ci ;
- de la situation de la fortune du client.
DE QUELQUES CAUSES DU CONTENTIEUX RELATIF AUX HONORAIRES DE L’AVOCAT
Le contentieux relatif à l’honoraire de l’avocat devient incontestablement et à regret, de plus en plus prégnant dans le cadre de notre activité professionnelle.
Le temps où l’avocat se trouvait gratifié par son client semble bien lointain et se trouve en réalité définitivement révolu.
La relation entre l’avocat et le client semble en effet avoir perdu de sa superbe.
A ce constat, plusieurs raisons.
Citons pêlemêle, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité: la Crise qui depuis des décennies semble avoir élu domicile dans notre beau pays ; la soumission de notre relation contractuelle avec le client au Code de la consommation dans certaines situations – laquelle soumission est consubstantielle à un changement d’attitudes et de comportements de nos clients dont l’exercice quotidien de leur magistère glané sur le Web n’a désormais d’égal que leur préscience construite de manière toute aussi artificielle sur cette même toile ; la perte d’autorité de la profession résultant essentiellement des coups de canifs récurrents (et qui souvent confinent à un véritable sadisme) portés à la fois par nos gouvernements successif mais également – et nous devons faire l’effort de l’admettre – par nos propres errements qui nous éloignent de l’essentiel lorsque, par mégarde, négligence, fatigue, lassitude ou submergés le sentiment irrépressible de survivre dans une économie ouverte et hautement concurrentielle, nous oublions notre serment et nous ne discernons plus les cardinales nous permettant pourtant d’éviter les écueils liés à l’exercice de notre exigeante et fascinante profession.
C’est dans ce contexte où la gratification par le client de l’avocat parait aussi surannée qu’une Palme d’Or attribuée à une œuvre véritablement cinématographique qu’un nombre croissant de cabinets se trouve confronté à des difficultés de règlements de leurs honoraires.
LE PROCÉDURE DE RECOUVREMENT DES HONORAIRES
Chaque Bâtonnier, chaque Premier Président de nos trente-six Cours d’appel et le cas échéant la Cour de cassation, viennent régulièrement à connaître des contestations relatives aux honoraires de l’avocat
En effet, le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat a institué au sein de la section V de son Titre III relatif à l’exercice de la profession, les règles qui régissent la procédure de « contestations en matière d’honoraires et débours » (Articles 174 à 179 du décret).
Aux termes d’un arrêt rendu par la 2ème chambre civile le 1er juin 2011, la Cour de cassation a été amenée à considérer que ces dispositions instituant une procédure obligatoire et exclusive, étaient d’ordre public.
Ainsi, l’article 176 dudit décret prévoit que les ordonnances rendues par le Bâtonnier portant sur les réclamations en matière de règlement des honoraires sont susceptibles d’un recours (et non d’un appel) devant le Premier Président de la Cour d’appel.
Le recours est ouvert à l’encontre de la décision rendue par le Bâtonnier, mais également lorsque cette autorité n’a pas rendu sa décision dans les délais qui lui sont impartis en vertu des dispositions de l’article 175 du décret susvisé.
Il sera rappelé que la procédure devant le Premier Président de la Cour d’appel n’est pas une procédure d’appel et qu’à ce titre, le droit défini à l’article 1635 bis P du Code général des impôts d’un montant de 225 euros que les parties à une instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la Cour doivent acquitter, n’est pas applicable.
En outre, l’article 177 du décret susmentionné veille au respect du principe du contradictoire dans le cadre du recours effectué par-devant le Premier Président de la Cour d’appel.
C’est dans ce sens que l’avocat concerné et la partie adverse se trouvent convoqués au moins 8 jours à l’avance par le Greffier en chef par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et que le Premier Président entend les parties de manière contradictoire, en recueillant au préalable les observations de chacune d’entre elles.
Chaque partie peut être présente ou représentée par un avocat à l’audience.
La procédure est orale et par conséquent la rédaction d’écritures n’est pas obligatoire.
Enfin, les principes élémentaires de notre droit (respect du principe du contradictoire, loyauté de la preuve, procès équitable etc.) régissent également cette procédure singulière.
ET ALORS, CETTE ORDONNANCE ?
Ce cadre étant rappelé, il nous semblait intéressant de commenter une ordonnance rendue le 25 mai 2023 par Monsieur le Premier Président près la Cour d’Appel de NÎMES.
Les faits à l’origine du différend porté à la connaissance de Premier Président sont simples:
Le client avait souscrit auprès d’un établissement bancaire un prêt immobilier dont la déchéance du terme fût prononcée.
A la suite d’un commandement de payer et d’une procédure de saisie immobilière initiée par la banque devant le juge de l’exécution, le client mandata l’avocat pour assurer sa défense et gagner du temps pour permettre de vendre l’immeuble dans de meilleures conditions.
C’est dans ce contexte que le client retourna à l’avocat sa convention d’honoraires dûment signée.
Aux termes de cette convention, la mission de l’avocat se trouvait ainsi libellée :
« Le client charge l’avocat de l’assister dans le cadre de la procédure pendante devant le juge de l’exécution qui l’oppose à la banque ».
La convention prévoyait un honoraire forfaitaire éminemment raisonnable ainsi qu’un honoraire complémentaire de résultat déterminé sur l’économie réalisée par le client par rapport aux sommes maximales réclamées par la banque à son encontre (8%) et précisait en outre que « l’honoraire de résultat sera exigible après exécution d’une décision de justice définitive, désistement de la banque, d’une transaction ou de tout autre évènement mettant fin à l’instance. »
L’avocat a soulevé une série de moyens ayant conduit la banque à se désister de son instance.
Le juge de l’exécution rendit ainsi un jugement constatant le désistement du créancier poursuivant et ordonnant à ce dernier de radier le commandement valant saisie ainsi que sa mainlevée.
La mission de l’avocat était donc terminée et conformément à la convention d’honoraires, celui-ci adressa à son client une note d’honoraire relative à l’honoraire complémentaire de résultat que le client refusa de payer.
Le bâtonnier saisi débouta l’avocat de sa demande de fixation d’honoraires au motif que la Banque ayant par suite initié une nouvelle instance aux fins de recouvrer sa créance, les diligences de l’avocat n’avaient pas permis au client de réaliser une économie.
La décision rendue par le Bâtonnier précisait que : « l’intervention de l’avocat n’a pas permis au client de réaliser une économie, qui correspondrait à un effacement de sa dette, mais a simplement permis de repousser l’échéance du paiement. »
Dans le cadre du recours exercé par l’avocat à l’encontre de l’ordonnance du Bâtonnier, le Premier Président a totalement infirmé la décision attaquée.
Le Premier Président rappelle notamment que la convention d’honoraires telle que libellée et signée par le client de l’avocat « définit une mission précise » ; a été amené à considérer que « la mission de l’avocat était ainsi circonscrite à la seule procédure pendante devant le Juge (…). » et que « l’avocat a exécuté sa mission (…), le Tribunal judiciaire a rendu un jugement constatant le désistement du créancier poursuivant, ordonné la radiation du commandement valant saisie et sa mainlevée. »
Le Premier Président a considéré qu’eu égard aux faits et aux dispositions de la convention d’honoraires, cette dernière devait trouver pleine application dès lors qu’un désistement était intervenu, mettant fin provisoirement à la procédure devant le Juge de l’exécution en quoi résidait la seule mission de l’avocat.
Autrement dit, le Premier Président a retenu que la loi des parties, c’est-à-dire la convention d’honoraires, ne pouvait être écartée et ce conformément aux dispositions de l’article 1103 du Code civil (« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »).
Cette décision incontestablement protectrice des intérêts de la profession d’avocat se doit ainsi d’être saluée, tant il est vrai que d’autres juridictions (et notamment la Cour de cassation), ont trop souvent rendu des décisions ô combien critiquables.
Enfin, cette décision nous rappelle à une obligation de vigilance dans le cadre de la rédaction de nos conventions d’honoraires ; lesquelles doivent être travaillées et donc mûrement réfléchies pour garantir l’adhésion du client aux modalités d’intervention proposées par l’avocat mais aussi pour permettre à celui-ci de pouvoir percevoir une juste rémunération que justifient ses diligences et son intervention.